Astronome Mike Brown
« L’astrologie et l’astronomie sont soeurs, et leurs racines sont plus profondes que les 5 premières lettres de leurs noms. Jusqu’au siècle des Lumières, elles étaient même inséparables.
Copernic, qui a réalisé un des plus grands sauts conceptuels de l’histoire de l’humanité en sortant la Terre du centre de l’univers humain, pour la remplacer par le Soleil, était astrologue. Il calculait ses graphiques astrologiques avec autant de ferveur qu’il essayait de comprendre le mouvement des planètes.
Il n’est donc pas compliqué de comprendre pourquoi il avait le sentiment qu’il y avait des connexions entre les deux matières.
De toutes façons, je ne pense pas qu’on puisse passer sa vie à observer les rythmes qui donnent leur impulsion aux mouvements des planètes, du Soleil et de la Lune, sans en venir à trouver du sens à leur beauté, leur précision et leur symétrie.
Mais malgré leur éducation commune, les sœurs se sont divisées à l’âge adulte : elles ont conservé leur intérêt commun pour le ciel, mais elles se sont mises à l’observer de façon différente.
L’astronomie s’est déplacée sur le terrain de l’objectivité purement descriptive, donc sur le terrain de la science, et quelle merveille que cette science !
Le soir, je peux sortir, lever la tête et admirer la brillance de l’étoile Bételgeuse, la sphère rouge dans le coin supérieur droit de la constellation d’Orion, et je peux aussi vous donner une version très précise du récit de sa naissance dans un nuage de gaz et de poussière, je peux vous raconter ensuite sa longue existence d’étoile, du temps où elle était petite et calme, quand les atomes d’hydrogène qui la composent fusionnaient en son centre, je peux vous dire encore sa récente expansion en boule de gaz de la taille de l’orbite de Mars. Que nous ayons été en mesure de déterminer son histoire, rien qu’en observant son tout petit point de lumière dans le ciel est aussi improbable a priori, que cela est incroyable … Quand je regarde Bételgeuse dans la nuit, et que je me mets à penser à tout ça, je reste, encore et toujours, émerveillé.
Et l’astrologie, est-elle capable de rivaliser avec ça en termes de merveilleux ?
Le scientifique que je suis ne croit pas un seul instant qu’elle soit capable de tout me dire de mon histoire, de mon passé, de ma personnalité ou de mes écueils. Ou même de ceux de quiconque.
Est-elle pour autant potentiellement dangereuse ? Je ne pense pas.
L’astrologie est la soeur qui a conservée intacte sa fascination pour le ciel, mais tandis que l’astronomie acquérait un intérêt croissant pour le domaine des sciences, son intérêt à elle croissait pour l’humain.
Mais l’astronomie scientifique, cette sublime fabrique de connaissance et de merveilleux, ainsi que ses incroyables découvertes, laisse les gens et leur conscience en dehors de l’image.
L’astronomie invite les gens à regarder le ciel, mais le ciel ne les regarde pas en retour. Par contre, l’astrologie n’a jamais rompu le lien entre le ciel et les gens qui l’observent.
Mais, mais, mais …. protestez-vous ! Il n’y a aucune connexion entre le ciel et les gens ! C’est vrai, le ciel ne nous observe pas !
Mais si ceci est une vérité scientifique toute simple à énoncer, en réalité elle est fausse, culturellement parlant, parce qu’elle se place sur le plan strictement littéral, alors qu’elle devrait se placer sur le plan littéraire.
La bonne astrologie peut se comparer à la bonne littérature, parce qu’elle construit un monde qui n’est pas le monde réel, mais qui nous en apprend bien plus sur nous-mêmes, que nous n’en apprendrons jamais en nous regardant simplement dans un miroir.
Le roi Lear et ses trois filles, qui ont divisé son royaume n’ont jamais existé, mais pour autant, méprisons-nous tout ce que Shakespeare a écrit à leur sujet ? Non, bien sûr, nous lisons son œuvre et nous pensons aux relations entre parents et enfants, nous pensons à la loyauté, à la vérité, aux complots, nous en apprenons davantage sur nous-mêmes et sur notre monde.
Nous nous enrichissons d’histoires qui n’ont pas de réalité objective.
N’allez pas entendre ce que je ne dis pas, n’est-ce pas … Je ne dis absolument pas que toute l’astrologie équivaut à Shakespeare, pas plus d’ailleurs que d’autres genres en littérature.
Dans le magazine que j’ai sous les yeux par exemple, cohabitent très bien des articles de fond, des nouvelles et un horoscope. Je suis Gémeaux (ce qui explique sans doute ma capacité à accepter la dualité Astronomie /Astrologie !) et pour le mois de janvier de cette année, cet horoscope me dit « Comme votre attention est dispersée par votre intérêt pour une grande variété de sujets, vous n’allez rien pouvoir creuser. Arrêtez-vous, respirez un bon coup, ne serait-ce que pour retrouver votre sens de la perspective. »
OK, je n’ai besoin d’aucun astrologue pour me le dire, mais comme tout un chacun, je ne peux pas m’empêcher de lire mon horoscope, et en plus je trouve que cette assertion est extrêmement juste. Donc, je vais respirer un bon coup, et je vais retrouver mon sens de la perspective, ce n’est pas une mauvaise idée !
D’ailleurs, quelques pages avant l’horoscope, dans ce magazine, une des petites nouvelles aboutit à peu près à la même conclusion que mon horoscope, et elle le fait sur trois pages … Alors maintenant que j’ai lu les deux, j’en suis totalement convaincu : je dois absolument m’arrêter pour retrouver mon sens de la perspective … en tout cas dès que j’aurai été au bout des projets que j’ai actuellement en cours !
Alors … mais qui sont les Shakespeare de l’astrologie ?
Je dois admettre que je ne les connais pas. Mes lectures astrologiques restent passives ; parfois je reçois des textes que je range soigneusement, parce qu’ils concernent mes découvertes astronomiques et ils m’intriguent énormément, comme celui qu’a écrit Henry Seltzer, sur Eris dans le « Mountain Astrologer » (*) :
« L’astrologie d’Eris semble reliée au combat naturel que l’humain doit mener pour rester en vie, aussi violent qu’il puisse être. Eris, sœur du Dieu de la guerre, Mars, est allée volontairement au combat et il est vrai que la nature humaine, dans sa lutte pour la survie, est restée à moitié animale, elle en a toute la violence. Dans les années 60, à l’époque des Hippies, on ne voyait que le versant rose de l’être humain, on vivait dans le monde de Oui-Oui et de Bambi qui gambadait dans l’herbe verte et s’abreuvait à l’onde pure des ruisseaux …
Mais derrière cette image idyllique, jamais la mort n’a disparu, ni celle de l’homme, ni celle de la nature, tous les « enfants » de la terre ont besoin de manger et font ce qu’il faut pour parvenir à leurs fins, que ce soit violent ou pas.
Eris est liée à cette violence-là, la violence comme composante naturelle de l’existence. Elle est liée aussi à la notion de femme « guerrière » qui incarne tout particulièrement les luttes pour les droits des femmes dans une société patriarcale. »
Si on se reporte à ce qui se passe dans la psyché américaine nationale à la fin de l’année 2007, on ne peut pas dire que le tableau que dresse Henry Seltzer soit si mauvais que ça. Il recouvre la guerre en Irak, le réchauffement planétaire, et même la candidature d’Hilary Clinton à la Présidence, ainsi que les combats qu’elle mène en tant que sénateur démocrate. Mais il n’en reste pas moins que ce n’est pas parce qu’un objet a été « nommé » dans le ciel que cela est advenu …
Alors, où se trouve donc l’intérêt de l’astrologie, dès lors que l’on choisit de la prendre uniquement au figuré plutôt que de façon littérale ?
Je le répète : on peut poser la même question au sujet du Roi Lear, et on peut poser la même au sujet de la Bible. Et on ne le fait pas … parce que si on le faisait, on passerait totalement à côté de l’intérêt des écrits de Shakespeare et de ceux de la Bible.
La question que l’on devrait donc se poser est la suivante : pourquoi tolérer l’existence de l’astrologie, considérant le danger qu’il y a à la prendre de façon littérale, étant donné qu’ainsi, elle peut semer la confusion dans les esprits et distordre complètement l’approche scientifique des domaines qu’elle recouvre ?
Pourquoi prendre au premier degré les conseils lapidaires des horoscopes, et prétendre qu’ils sont en quelque sorte liés à une constellation du Zodiaque ?
Pourquoi lire la « littérature » astrologique qui vise à analyser en profondeur les conséquences de la découverte de boules de roches et de glaces aux confins du système solaire et à démontrer ensuite qu’elle affecte l’ensemble de l’humanité ?
Il n’y a aucune raison …
Personnellement, je préfère me cantonner à de la littérature de meilleure qualité, elle me fait beaucoup plus réfléchir, elle m’apprend mille fois plus.
Mais le fait est que je ne peux pas m’empêcher d’aimer l’astrologie et les astrologues.
Parce que l’astrologie n’est pas seulement de la littérature « figurative » sur l’humanité, elle aime la voûte céleste, tout autant que moi.
Il m’arrive de correspondre avec des astrologues, qui me parlent de leur amour pour les découvertes les plus récentes en astronomie, qui cherchent des précisions sur les relations des planètes avec leur mode orbital, qui spéculent sur ce qui pourrait se trouver au-delà du système solaire, et comment tout cela « fonctionne » ensemble.
Et j’aime parler avec ces astrologues-là, parce que nous avons exactement la même façon de travailler, la même démarche.
Mes pensées m’amènent à réfléchir aux implications scientifiques de mes découvertes.
Les astrologues, quant à eux, réfléchissent à leurs implications humaines.
Pour moi, la seule chose qui compte, c’est que nous partons du même endroit et que nous avons un intérêt immense pour le ciel.
L’astrologie et l’astronomie sont sœurs.
Être frères et sœurs ne signifie pas toujours faire les mêmes choses, ou faire les mêmes choix, mais maintenir des liens identiques avec son origine, conserver une connexion forte.
Et si ce n’est pas de l’amour, qu’est-ce que c’est ?